Menswear


Hard Working
Pop Star




“Tout est arrivé très vite... nous n’avons pas eu le temps de penser à ce qui nous arrivait”. MENSWEAR a toutes les allures d’un groupe qu’un producteur véreux aurait formé pièce par pièce, tel un CAPELLA, pour faire saliver la jeunesse que la déesse “dance” n’aurait pas encore convertie. Comme le déclare Matt, “nous avons fait beaucoup de couvertures de magazines, même avant la sortie de notre premier single. De toute façon, c’est ce que nous recherchions”, MENSWEAR, malgré son jeune âge, a toujours su gérer sa carrière d’une manière très habile. Alors que PULP a attendu plus de dix ans, Johnny et ses comparses sont passés à la mythique emission TOP OF THE POPS avant la sortie de leur premier single plus qu’honorable, I’ll manage somehow.




En cette année 95, la “Britpop” a le vent en poupe dans le monde entier et MENSWEAR apparaît comme le groupe s’adaptant le mieux à l’énorme pression des médias qui les considèrent plus comme des modèles photos que comme des musiciens (auraient-ils raison ?). “Nous avons le look parfait du moment mais ca peut changer du jour au lendemain. En tout cas, l’image est importante pour nous.” Il est très clair que MENSWEAR a adroitement su attirer l’attention des photographes, en mal de pop-stars depuis la décrépitude physique de MORRISSEY. Johnny Dean est, sans conteste, possesseur d’une beauté ultra-photogénique et d’un charisme hautain, seule sa voix manque parfois de rigueur en concert, mais un peu moins de temps passé au maquillage lui laissera vraisemblablement quelques dizaines de minutes indispensables pour travailler ses gammes.




Daydreamer est le deuxième single précédant l’album. Alors que I’ll manage somehow sonnait très sixties, ce second EP est plutôt un hymne au punk late 70’s à la ELASTICA (mais les gars de MENSWEAR sont plus habiles ; on ne sait pas quel vieux morceau de WIRE ils ont pompé). Malgré cela, MENSWEAR ne souhaite pas vraiment être englobé dans cette nouvelle vague pop anglaise : “Nous n’avons rien à voir musicalement avec MARION ou SUPERGRASS, la seule chose qui pourrait nous rapprocher serait notre moyenne d’âge”. Le deuxième point commun pourrait être cette ingratitude commune à tous ces nouveaux groupes envers les défunts SMITHS et l’idole MORRISSEY : “Nous n’avons jamais écouté les SMITHS, leur musique est trop triste, mais nous aimons tout de même ceratines chansons. On préfère écrire des pop-songs accrocheuses. MORRISSEY est misérable, nous ne l’avons jamais apprécié...en plus, il est trop vieux maintenant !” . Sans commentaire.




Fin 95, le tant attendu Nuisance se retrouve dans les bacs et la déroute musicale prédite par beaucoup sur la longueur d’un LP n’est véritablement pas évidente. MENSWEAR, à defaut de talent, montre un éclectisme et une fraîcheur qui ne demandent qu’à arriver à maturité. “Les critiques de Nuisance en Angleterre ont été plutôt mitigées. Ce qui nous importe, ce sont les gens qui achètent nos disques et qui viennent à nos concerts.” Et ils sont de plus en plus nombreux...ce qui n’a pas echappé à l’oligopole des majors qui a essayé en vain de convertir MENSWEAR aux joies d’une promotion à la TAKE THAT : “Nous avons beaucoup de propositions de majors, mais nous préférons rester sur un label indépendant (ndlr : London Records) pour la liberté artistique que cela procure.” Malgré cette envolée “indie” souvent absentes des interviews, MENSWEAR affirmant plus que fréquemment vouloir devenir un monstre ultra-planétaire, les cinq jeunes gens dénoncent d’une façon plutôt véridique le snobisme indé sévissant dans la pop.




C’est pourquoi on les a souvent comparés à TAKE THAT : “Cette histoire est partie d’un magazine pour jeunes filles qui nous a comparé à TAKE THAT, un TAKE THAT avec des guitares en plus. Je pense que la comparaison est utilisée car nous sommes tous des “young good-looking boys”. Nous ne voulons pas être les nouveaux TAKE THAT, “ THE INDIE TAKE THAT” !, mais ils font de la pop à leur manière. Cette liberté de pensée surtout prônée par Johnny Dean, qui déclare avoir toujours apprécié les DURAN DURAN, est unique dans un monde ou l’on préfère écouter Bob Marley que Madonna (j’entends V. qui me dit : “normal, c’est quand même mieux !”. Enfin, n’ouvrons pas le débat...) Mais est-ce que la plus mauvaise raison d’aimer MENSWEAR serait de les apprécier pour leur musique ? Sans tomber dans une exagération si coutumière - on ne peut tout de même pas parler de MENSWEAR comme on parle de GENE -, force est d’avouer que le talent inné détenu par certains est plutôt rare, et que bon nombre de productions récentes sont largement en dessous de Nuisance.




Laissons tout de même un peu de temps aux cinq Londoniens pour affiner les quelques petits détails un peu faiblards. Leur deuxième album nous donnera à coup sûr les réponses à nos questions : “nous commencons déjà à écrire de nouvelles chansons pour le prochain album. Tout est planifié et nous ne devrions avoir aucun mal à le terminer...pas comme SHED SEVEN.” En tous cas, la perpétuation de cette classe distinguée et condescendante ne peut être que saluée et ils ne nous reste plus qu’à prier pour que de nouveaux groupes aussi “good-looking & good-dressing” que MENSWEAR fassent leur apparition sur la scène pop anglaise, où la désinvolture est de plus en plus synonyme de ridicule.

Fabien Cavanna