Lloyd Cole


Histoires d'Amour


Comme nous n’avons pas pu interviewer Lloyd Cole lors de sa dernière tournée, il vous faudra vous contenter d’un modeste article. A la première personne. Car depuis la sortie de Love Story, où l’auteur de Forest fire retrouve une inspiration qui s’était irrémédiablement tarie au fil des années, il est de nouveau possible d’être un fan de Lloyd (vous permettez que je l’appelle Lloyd ?). Ouf... Après un Bad vibes moins désastreux que certains l’ont dit, mais quand même plutôt fadasse passé les deux premiers morceaux, j’avais fini par délaisser ce Cole plus très chic au profit de nouvelles têtes, ou de revenants plus méritants comme Edwyn Collins et Paul Quinn, glaswégiens grandis dans l’ombre des Commotions (le premier a fini par en sortir, le second attend toujours).


Je préférais garder l’image du Lloyd Cole d’avant, tel qu’il apparaît sur la pochette de la compilation 1984-1989 : glabre, élégant, l’air imperturbable, à l’image de ses chansons qui retrouvent régulièrement le chemin de ma platine. Là où certains ne voient que prétention poseuse et perfection glaçante, je puise à chaque écoute un plaisir rare. Lloyd Cole, très britannique dans sa manière d’être (même si l’image de type sérieux et ombrageux qu’on lui collait était sans doute abusive), rêvait d’Amérique, de Truman Capote et d’Elia Kazan, de Dylan et de Carson McCullers. Une Amérique finalement plus âpre et plus vivante, malgré son fatras de références, que celle des Weather Prophets et autres Prefab Sprout, à l’imaginaire nettement fantasmatique (peut-être au second degré...) Son groupe dissous, l’Ecossais prendra d’ailleurs un aller simple pour la Grosse Pomme, où il troquera ses cols roulés d’éternel étudiant pour des vêtements un peu moins étriqués, avant d’endosser un vieux cuir de biker pas franchement crédible. Jusqu’à ce Love Story rédempteur, où notre homme retrouve la simplicité de ses débuts, la décontraction en plus.


Un album qui justifie pleinement ma présence au Transbordeur le jeudi 19 octobre 1995. Son précedent passage à Lyon, je m’en souviens très bien, c’était le 11 novembre 1991, mon premier vrai concert. En fait, si cette tournée, relativement médiatisée (Lloyd Cole, qui venait de sortir son deuxième album solo, était alors au faîte de son succès), reste mémorable, elle le doit moins aux prestations de l’Ecossais qu’au choix judicieux de la première partie : Grant McLennan et Robert Forster, soit le noyau des merveilleux Go-Betweens, qui mettaient ainsi dignement fin à une existence injustement confidentielle (le groupe comptait quand même Bono et The Edge de U2 parmi ses fans...) Robert Vickers, ancien complice des deux Australiens, accompagnait lui Lloyd Cole à la basse. La mémoire de fan faisant fi de toute objectivité, je garde un souvenir ému du concert de celui-ci, entre un Mr. Malcontent rageur et un Charlotte Street nostalgique, même si les morceaux symphoniques de Don’t get weird on me, babe passaient difficilement l’épreuve de la scène. Deux ex-Commotions épaulaient alors leur ex-patron : le barbu et impassible Blair Cowan aux claviers, et le non moins imperturbable Neil Clark à la guitare.


Quatre ans plus tard, ce dernier se retrouve de nouveau à la droite de Lloyd Cole. Il n’a rien perdu de sa formidable virtuosité (gageons qu’après ce concert, de nombreux spectateurs-apprentis guitaristes se sont mis à la flûte à bec) mais ne se prend toujours pas pour Satriani, ce qui est plutôt une bonne chose. Quant à Lloyd, devenu entre temps un respectable père de famille, il semble très content d’être là : “Depuis peu, je porte des lentilles de contact, ce qui me permet enfin de voir le public. Je dois dire que c’est parfois assez effrayant. Mais ici, c’est très agréable.” Bon, il a peut-être dit ça à toutes les dates de la tournée, mais ça fait toujours plaisir à ceux qui comprennent l’anglais. D’autant plus que ce soir-là, l’idole n’aura pas vraiment besoin de flatter son public pour emporter l’adhésion ; ses chansons, interprétées sans coup d’éclat particulier mais sans faute de goût, suffiront.


Si aucun album ne sera laissé de côté, Cole fera surtout la part belle au séminal Rattlesnakes (Perfect skin et Forest fire, bien sûr, mais aussi Speedboat, Four flights up et, en bouquet final, le sublime Are you ready to be heartbroken), à son premier opus solo (Undressed qu’il joue seul au premier rappel) et, évidemment, au petit dernier. Avec en prime deux reprises du Velvet, Rock’n’roll et New age, du “très bien album”(sic) Loaded, influence manifeste depuis le début des Commotions. Bref, de quoi être réconcilié avec un songwriter largement au-dessus de la moyenne, enfin arrivé à sa pleine maturité. On attendra donc tranquillement le prochain album : disque expérimental, collection de reprises promise depuis cinq ans, ou nouvelle Love Story charmeuse. D’ici là, happy life, Lloyd.





Vincent A.